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Alors que la République centrafricaine (RCA) enregistre un nombre croissant de personnes contaminées par la Covid-19, des puissances étrangères rivales se livrent à des luttes d’influence. Pour le président Faustin-Archange Touadéra et ses alliés étrangers, la priorité est surtout de gagner les prochaines élections présidentielles et législatives prévues en décembre 2020. Et pour s’assurer de remporter ce pari, le président centrafricain a mis la souveraineté nationale au service des réseaux criminels transnationaux et des groupes mafieux.* Depuis son élection en 2016, le blanchiment d’argent et les trafics de ressources naturelles, de drogue, d’armes et de passeports diplomatiques prolifèrent sans entrave. Dans ce contexte, il est peu probable que la crise sanitaire bouleverse le statu quo politique en vigueur depuis le début de la crise centrafricaine en 2012.
“State of Prey”
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La RCA est en proie à un conflit aux relents communautaires, alimenté par les richesses du sous-sol et les trafics en tout genre qui attirent la grande criminalité internationale. Selon les Nations Unies (ONU), des assassinats, des enlèvements, des arrestations, des détentions arbitraires, des traitements cruels, inhumains et dégradants, des extorsions, des pillages, des destructions ou appropriations de biens continuent d’être quotidiennement enregistrés.* La pandémie de Covid-19 ne fait que s’ajouter à une longue liste de crises mortelles qui se sont inscrites dans l’histoire récente du pays.* * La crise humanitaire oblige toujours plus de la moitié de la population du pays, soit environ 2,5 millions d’habitants, à survivre grâce à l’aide d’urgence extérieure.* La RCA est ainsi le premier pays du monde à avoir bénéficié d’un pont aérien de l’Union européenne (UE) pour délivrer de l’assistance vitale aux populations les plus démunies.*
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Depuis son élection, le président Touadéra bénéficie d’importants soutiens financiers extérieurs pour stabiliser le pays.* * Parallèlement, l’État centrafricain est devenu au fil du temps un puissant instrument de prédation et de pillage au service des réseaux au pouvoir et de leurs alliés étrangers. Les besoins critiques de développement humain sont sacrifiés par une élite dirigeante qui, pour conserver le pouvoir, n’hésite pas à alimenter la violence et les divisions ethniques et religieuses.* Les bailleurs de fonds de la RCA gardent le silence face à la prolifération des réseaux liés au crime organisé transnational et aux scandales de corruption toujours plus nombreux qui impliquent des membres du gouvernement.* * * * *
Alors que les puissances étrangères cherchent à défendre leurs intérêts géostratégiques et économiques, elles instrumentalisent les groupes armés, permettant ainsi aux profiteurs de guerre de bénéficier de la corruption et de l’économie de guerre. Par conséquent, les initiatives de réponse à la crise sont systématiquement exploitées. C’est le cas de la gestion de la crise sanitaire, de l’accord politique conclu avec les groupes armés et des élections. À moins d’entamer des réformes en profondeur, en particulier concernant la réponse politique et l’engagement international, le pays continuera de sombrer dans une guerre toujours plus brutale, avec des conséquences dévastatrices pour plusieurs générations. Pour construire la paix, la communauté internationale et les acteurs de la région devraient repenser le cadre du dialogue politique et exiger des élections transparentes et démocratiques, tout en luttant avec davantage d’efficacité contre les réseaux criminels qui bénéficient de la corruption et du conflit armé.
Recommandations principales
Le Conseil de sécurité de l’ONU, l’Union européenne et leurs États membres
- Mettre fin aux soutiens à la mise en œuvre de l’accord de Khartoum. Mettre un terme au soutien politique et financier des initiatives qui alimentent la corruption du gouvernement, l’économie de guerre et l’impunité, telles que les aides destinées à la mise en œuvre de l’accord de Khartoum. Favoriser plutôt un processus novateur basé sur le dialogue national, régional et international en vue de fournir un cadre politique capable de répondre aux nombreux défis découlant d’une guerre par procuration.
- S’assurer que les élections sont transparentes et démocratiques. Assurer un contrôle vigoureux de l’intégralité du processus électoral effectué par un organisme indépendant, tenir le gouvernement centrafricain pour responsable et assurer la participation de la société civile. Refuser de reconnaître le futur gouvernement centrafricain comme légitime en cas de constat de fraude électorale majeure, modifier les priorités de financement et cesser tout soutien budgétaire.
- Cibler des réseaux entiers qui déstabilisent systématiquement les initiatives de réponse à la crise, en particulier ceux liés au crime organisé transnational. Mener des enquêtes sur des individus et des entités liés aux réseaux de crime organisé transnational, en mettant l’accent sur des représentants du gouvernement et des hommes d’affaires internationaux, et imposer toutes sanctions adaptées.
- Lutter de manière efficace contre le trafic de minerais provenant des zones de conflit en RCA. L’UE devrait s’assurer de la mise en œuvre efficace de son nouveau Règlement sur les minerais provenant de zones de conflit, qui entrera en vigueur en janvier 2021, particulièrement concernant la lutte contre les trafics d’or vers l’UE provenant des zones de conflit centrafricaines. Le Conseil de sécurité de l’ONU devrait ajouter au mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) des mesures concrètes ciblant l’économie de guerre et les réseaux criminels.
- Poursuivre en justice les crimes économiques et financiers. Soutenir la Cour pénale spéciale de la RCA, la Cour criminelle internationale et d’autres juridictions nationales compétentes, notamment européennes, pour effectuer des enquêtes sur les crimes financiers et les poursuivre en justice.
Les banques et les institutions financières
- Lutter contre les réseaux criminels. Les institutions financières actives en RCA devraient renforcer leur contrôle des transactions financières impliquant des réseaux criminels, en particulier ceux liés étroitement au secteur des ressources naturelles, et remettre des rapports d’activités douteuses aux unités de renseignements financiers s’il y a lieu.