Press Release / / 01.14.21

Des sanctions contre la Corée du Nord contournées en Afrique centrale et de l’Ouest

Des sanctions contre la Corée du Nord contournées en Afrique centrale et de l’Ouest


Une enquête approfondie menée par The Sentry révèle des connections étroites avec le gouvernement nord-coréen, l’accès d’entreprises nord-coréennes à des dollars américains et des activités nord-coréennes plus répandues en République démocratique du Congo et dans la région

Washington, le 14 janvier 2021– Une enquête approfondie effectuée par The Sentry révèle des activités d’une entreprise contrôlée par le gouvernement nord-coréen en Afrique centrale et de l’Ouest, y compris des contrats avec le gouvernement et l’accès à des dollars américains, après que ces activités ont été interdites par la communauté internationale.

Dans son dernier rapport d’enquête, « L’art et l’artifice : Découverte de nouvelles violations de sanctions par la Corée du Nord en République démocratique du Congo », The Sentry détaille un éventail d’activités commerciales allant apparemment à l’encontre des sanctions des États-Unis, de l’Union européenne et de l’Organisation des Nations Unies destinées à empêcher la prolifération nucléaire, et soulève des questions importantes concernant la mise en application des sanctions contre la Corée du Nord.

John Dell’Osso, enquêteur principal, The Sentry, déclare : « Notre enquête illustre clairement la façon dont le gouvernement nord-coréen exploite le ventre mou de l’application des sanctions internationales. Nous avons découvert qu’une société dirigée par deux hommes d’affaires de Pyongyang a remporté de nombreux contrats gouvernementaux en République démocratique du Congo, en violation des sanctions internationales. De plus, nous avons constaté qu’une organisation parente peu connue, une société de création contrôlée par le gouvernement nord-coréen, a entrepris des activités considérables en Afrique centrale et de l’Ouest, ce qui représente de nouvelles violations apparentes des sanctions. Les gouvernements, organisations multilatérales et banques mondiales devraient fournir une aide appropriée à ceux qui se trouvent en première ligne de l’application des sanctions, tout en agissant également contre cette forme d’opportunisme ».

Le rapport détaille les activités de Congo Aconde, une entreprise dirigée par deux ressortissants nord-coréens en RDC, et révèle que des filiales d’une société de création contrôlée par le gouvernement nord-coréen, la Korea Paekho Trading Corporation, ont opéré en Guinée Équatoriale, en Côte d’Ivoire et au Mali.

Michelle Kendler-Kretsch, enquêtrice, The Sentry, déclare : « Les programmes de sanctions internationales visant la Corée du Nord se concentrent largement sur la restriction de son accès au système financier international, en raison du danger que des revenus générés à l’étranger puissent en fin de compte être utilisés pour financer le programme d’armement nucléaire du pays. Ces sanctions resteront inefficaces à moins que les banques et gouvernements ne remplissent leurs obligations en matière de mise en application. Notre enquête montre que des défaillances en matière de conformité et de faibles contrôles internes dans des endroits comme la République démocratique du Congo sont des terreaux fertiles pour le contournement de sanctions. Les États-Unis, le Groupe d’action financière (GAFI) et les banques internationales devraient pousser le gouvernement congolais et les banques locales à améliorer leur capacité de lutte contre le financement illicite ».

John Prendergast, cofondateur, The Sentry, déclare : « Des financiers illicites dans le monde entier—des cartels de drogue aux trafiquants d’armes en passant par des contrebandiers d’ivoire et des régimes parias—prospèrent dans des lieux où la gouvernance est fragile et la corruption endémique. Le contournement de sanctions contre la Corée du Nord en République démocratique du Congo est un nouvel exemple de la façon dont ce type d’acteurs exploite le laxisme des contrôles au sein des institutions gouvernementales et des banques. Des financiers du terrorisme, des fonctionnaires corrompus et des entreprises prédatrices suivent sans cesse les mêmes pratiques que ces Nord-Coréens. Si elles ne sont pas comblées, ces lacunes en matière de devoir de vigilance créent un risque systémique et aboutissent à une éventuelle catastrophe économique, pour un pays qui repose énormément sur l’accès aux dollars américains par le biais de relations avec des banques internationales ».

Les activités détaillées dans le rapport démontrent comment des acteurs nord-coréens exploitent des contrôles institutionnels et des juridictions faibles souffrant de niveaux élevés de corruption, un modèle suivi par d’autres acteurs contournant des sanctions. Le rapport incite les gouvernements, les institutions multilatérales et les banques à agir pour répondre à ces violations de sanctions et renforcer l’intégrité du secteur financier.

Morceaux choisis du rapport :

  • Deux hommes d’affaires nord-coréens ayant contourné des sanctions internationales en République démocratique du Congo ont remporté davantage de contrats gouvernementaux qu’il ne s’était avéré auparavant, selon de nouvelles informations consultées par The Sentry.
  • Leur société, Congo Aconde, aurait eu un accès plus vaste à des dollars américains par le biais d’une banque locale, et a entrepris des travaux publics dans au moins trois provinces de la RDC.
  • Les deux hommes d’affaires auraient travaillé en RDC pour le compte d’une entreprise de création peu connue contrôlée par le gouvernement nord-coréen, la Korea Paekho Trading Corporation.
  • Dans le cas de la RDC, des manquements au devoir de vigilance au sein des institutions privées et publiques pourraient créer un risque systémique pour une économie qui repose énormément sur l’accès aux dollars américains par le biais de relations avec des banques internationales.
  • Congo Aconde semble avoir cultivé des relations avec des fonctionnaires des municipalités et des gouvernement provinciaux, même si son expertise a pu jouer un rôle déterminant pour décrocher des contrats.
  • Le rapport souligne les apparentes relations de Congo Aconde avec des individus puissants en RDC, et l’opacité entourant les appels d’offres, soulevant des inquiétudes concernant une corruption éventuelle.
  • Des déclarations de hauts responsables de Kolwezi, ville de la RDC, suggèrent qu’une campagne d’embellissement urbain, dont les travaux de Congo Aconde faisaient clairement partie, visaient à dynamiser le prestige et la stature de la ville en tant que « métropole provinciale ». La municipalité a dédié des ressources déjà faibles à ces projets pendant près de deux ans.

Dans son rapport, The Sentry fournit les principales recommandations suivantes :

Les États-Unis, l’Union européenne, les Nations Unies et les organisations internationales :

  • Modifier l’avis sur les risques. Le Financial Crimes Enforcement Network (FinCEN) du département du Trésor américain devrait modifier son avis sur les risques de financement illicite émanant de la Corée du Nord, pour y inclure les risques de faire des affaires avec certaines parties du secteur bancaire de la RDC. Les avis du FinCEN jouent un rôle critique dans la lutte contre la corruption et les efforts de mise en application des sanctions. Les États-Unis tout comme les banques internationales devraient être alertés sur la nécessité de payer davantage attention à la collecte d’informations concernant des entités faisant l’objet de sanctions ainsi que des comptes suspects liés à la RDC.
  • Se pencher sur la mise en œuvre et les lacunes de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LAB/CFT). Le département du Trésor américain et le Fonds monétaire international (FMI) devraient aider les banques congolaises à mettre en place les normes LAB/CFT, et appeler la Banque centrale de la RDC à améliorer la mise en place des normes LAB et pallier les lacunes législatives.
  • Renforcer le contrôle de l’UE. L’UE devrait envisager d’ajouter la RDC à sa liste des pays tiers à haut risque afin de faciliter une surveillance accrue. Les pays européens et le Royaume-Uni devraient considérer la publication d’avis sur les risques de faire des affaires avec certaines parties du secteur bancaire de la RDC, tout en soulignant la possibilité que certains acteurs exploitent le secteur afin de contourner des sanctions.
  • Appeler à la transparence dans les contrats gouvernementaux. Le département du Trésor américain et le FMI devraient appeler la RDC à garantir un processus d’appel d’offres public transparent et à rendre tous les contrats gouvernementaux, y compris les contrats provinciaux, disponibles au public.
  • Fournir de l’assistance technique pour appliquer les sanctions. Des pays en mesure de fournir une assistance technique devraient aider les autres pays à appliquer les sanctions de l’ONU. Les États-Unis, l’UE, le GAFI et d’autres organisations devraient fournir ce type d’assistance aux gouvernements et banques nécessitant de l’aide et une formation pour une application efficace des sanctions.
  • Envisager des sanctions ciblant des réseaux. L’UE, les États-Unis et le Conseil de sécurité des Nations Unies devraient enquêter et, s’il y a lieu, envisager des sanctions à l’égard des personnes et réseaux éventuels liés aux transactions détaillées dans ce rapport, incluant les fonctionnaires du gouvernement qui ont facilité des contrats pour les entreprises nord-coréennes.

Les banques internationales et la communauté financière :

  • Faire preuve d’un devoir de vigilance renforcé envers les transactions. Les banques mondiales multinationales devraient renforcer leur devoir de vigilance concernant les transactions de certaines banques opérant en RDC. Les banques opérant en RDC devraient améliorer leur filtrage, leur formation et leur prise en compte de ces offenses et ajouter à leurs filtres des signaux d’alerte sur le financement de la prolifération. L’Afriland First Bank et ses correspondants bancaires devraient respecter les sanctions de l’ONU et des États-Unis, et geler tous les comptes contrôlés par Congo Aconde et ses propriétaires nord-coréens. Les banques devraient coopérer avec les enquêteurs et fournir tous les documents liés à ces comptes et à leurs transactions. En adoptant une approche fondée sur le risque, les banques devraient éviter de prendre des risques de masse et se conformer davantage aux normes internationales LAB/CFT.
  • Développer de bonnes pratiques. L’association bancaire congolaise devrait développer de bonnes pratiques pour aider les banques locales à améliorer leur devoir de vigilance envers leurs clients liés à la Corée du Nord, incluant les liens avec la prolifération et le financement d’armes de destruction massive, et aider à restaurer la confiance dans le sectaire bancaire congolais.

Le gouvernement congolais :

  • Améliorer le régime LAB/CFT. Le gouvernement congolais devrait renforcer la conformité des institutions financières locales en matière de LAB/CFT, y compris en soutenant l’élaboration d’une évaluation nationale des risques, d’une stratégie nationale visant à combler les lacunes actuelles du régime LAB/CFT, le renforcement des capacités des régulateurs et l’amélioration du contrôle bancaire. La banque centrale devrait également publier des directives à l’intention de toutes les banques opérant en RDC sur la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies en ce qui concerne le financement de la prolifération.
  • Renforcer la cellule de renseignement financier de la RDC. Le gouvernement congolais devrait habiliter le CENAREF à mener des enquêtes indépendantes et approfondies sur des activités financières suspectes, en appui aux forces de l’ordre congolaises et aux tribunaux nationaux. Le gouvernement devrait notamment engager des professionnels expérimentés au sein de l’unité, fournir les formations nécessaires au personnel existant et financer entièrement l’unité. Le gouvernement devrait également garantir que les employés du CENAREF disposent des autres ressources nécessaires pour conduire des enquêtes. De plus, le gouvernement congolais devrait rejoindre le Groupe Egmont, le forum international de cellules de renseignement financier favorisant le partage d’informations.
  • Passer en revue les contrats problématiques. Les autorités au pouvoir aux niveaux national, provincial et municipal devraient annuler tous les contrats actuels avec Congo Aconde et passer en revue tous les contrats avec des entreprises contrôlées par des ressortissants nord-coréens.
  • Garantir que le registre public des sociétés soit complet, précis et mis à jour. Les registres publics incluant des informations sur les actionnaires et les ayants droit peuvent contribuer à améliorer la transparence, le contrôle public et la responsabilité des entreprises. Le gouvernement congolais devrait garantir que son registre public en ligne recensant les entreprises comprenne toutes ces sociétés et qu’il soit exact, mis à jour et accessible aux institutions financières, aux forces de l’ordre et au grand public.
  • Coopérer avec le Groupe d’experts et le comité du Conseil de sécurité des Nations Unies. Le gouvernement congolais devrait soumettre des rapports d’application en accord avec ses obligations envers le Conseil de sécurité des Nations Unies, et assister le Groupe d’experts dans ses efforts pour rassembler des informations sur la Corée du Nord. La délégation congolaise aux Nations Unies devrait rapporter les détails des événements décrits dans ce rapport au Groupe d’experts et au comité du Conseil de sécurité pour des enquêtes et considérations approfondies. Quand cela s’avère nécessaire, le gouvernement congolais devrait demander l’aide du Comité pour la Corée du Nord et du Comité 1540 afin de mieux appliquer les résolutions du Conseil de sécurité, développer des mécanismes d’application et partager des informations.

Lire le rapport : https://thesentry.org/reports/lart-et-lartifice/

Pour toute demande de renseignement ou d’entretien, les médias sont priés de contacter : Greg Hittelman, directeur de la communication, +1 310 717 0606, [email protected]

 

À PROPOS

The Sentry est une équipe d’enquête qui traque l’argent sale lié à des criminels de guerre africains et des profiteurs de guerre transnationaux, et cherche à exclure du système financier international les personnes tirant profit de la violence. En perturbant les calculs coûts-avantages de ceux qui détournent les gouvernements pour s’auto-enrichir, nous cherchons à contrer les principaux moteurs de conflit et à créer un nouveau levier pour la paix, les droits de l’homme et la bonne gouvernance. The Sentry est composé d’enquêteurs financiers, d’avocats internationaux spécialisés dans les droits de l’homme et d’experts régionaux, ainsi que d’anciens représentants des forces de l’ordre, des agents du renseignement, des responsables politiques, des journalistes d’enquête et des professionnels du milieu bancaire. Fondé conjointement par George Clooney et John Prendergast, The Sentry est un partenaire stratégique de la Clooney Foundation for Justice.

Pour en savoir plus, voir www.TheSentry.org