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Résumé exécutif

Alors que le Groupe Wagner — une organisation paramilitaire mieux connue sous le nom de l’« armée privée de Vladimir Poutine » — mettait pied pour la première fois en République centrafricaine (RCA) il y a cinq ans,* la Fédération de Russie rétablissait ses relations diplomatiques avec la RCA après une interruption de 40 ans.* Le pays était alors ravagé par 20 ans de crises politico-militaires et de cycles de conflits armés sanglants pour lesquels les Nations Unies et les pays occidentaux ne parvenaient pas à apporter des solutions adéquates.* * Dans ce contexte, la Russie a proposé au président centrafricain Faustin-Archange Touadéra une alternative sous la forme d’un soutien diplomatique et d’une assistance militaire et politique via le Groupe Wagner.* * * Il en a résulté une campagne de terreur.

Tandis que divers groupes armés ont continué à commettre des violations graves aux droits de l’homme contre des civils, l’enquête menée par The Sentry révèle que le Groupe Wagner, M. Touadéra et son entourage proche sont responsables d’avoir ordonné des campagnes militaires brutales. Prétextant d’une contre-offensive contre des groupes armés anti-Touadéra, des massacres, des actes de torture et des viols ont été commis de manière généralisée, systématique et planifiée à l’échelle nationale. Exécutées par les Forces armées centrafricaines et des combattants du Groupe Wagner soutenus par des miliciens, ces campagnes de terreur ont servi de guerre psychologique pour forcer les groupes armés anti-Touadéra et leurs alliés à accepter leur défaite, et pour l’ensemble de la population à accepter l’autorité du Groupe Wagner et de l’allié de la Russie, M. Touadéra.*

Afin d’« anéantir » leurs ennemis, le Groupe Wagner, M. Touadéra et son entourage ont levé une armée parallèle, contrôlée et privatisée pour servir leurs propres intérêts.* Au cours des deux dernières années, le Groupe Wagner a renforcé la formation et la fourniture d’équipement à une douzaine d’unités militaires — dont la plupart ont été créées après janvier 2021, et dont bon nombre des soldats nouvellement incorporés sont membres de la communauté ethnique de M. Touadéra — et de miliciens déployés comme proxys dans les opérations militaires. Bien que l’entourage proche de M. Touadéra conserve le contrôle des opérations dans la capitale du pays, Bangui, le Groupe Wagner a réussi à établir le contrôle militaire des opérations à l’extérieur de Bangui avec comme devise de ne « laisser aucune trace » — en d’autres termes, tuer tout le monde, y compris les femmes et les enfants.

En parallèle, le Groupe Wagner a montré un vif intérêt pour contrôler les minerais centrafricains, en particulier l’or et les diamants, ciblant les sites miniers et utilisant des campagnes militaires violentes pour chasser les civils des zones minières.* * Les sociétés minières affiliées au Groupe Wagner — principalement Lobaye Invest, Midas Ressources et Diamville — ont obtenu des licences minières et des autorisations d’exportation, et le Groupe Wagner a utilisé ses réseaux transnationaux en RCA, au Soudan, au Cameroun, à Madagascar et en Russie pour construire un site de production industrielle dans le secteur aurifère qui échappe à la surveillance nationale et internationale.* * * *

La situation en RCA est aujourd’hui plus préoccupante que jamais. Une étude récente a révélé que 5,6 % de la population centrafricaine est décédée en 2022, ce qui représente « plus du double des estimations pour tout autre pays dans le monde ».* Les auteurs de l’étude « ont tiré la sonnette d’alarme sur une crise humanitaire exacerbée par les activités du Groupe Wagner », concluant que « les efforts des mercenaires du Groupe Wagner ont au minimum contribué à accroître les difficultés liées à la survie au cours des deux dernières années ».* *

Le Groupe Wagner a accru son influence sur les institutions étatiques centrafricaines tout en soutenant un régime criminel avec à sa tête M. Touadéra et son cercle proche. Ensemble ils ont accumulé les pouvoirs militaires, pillé les minerais précieux, et soumis la population par la terreur. Tandis que le Groupe Wagner continue d’étendre son influence dans un nombre croissant de pays — le Burkina Faso étant l’exemple le plus récent et le Tchad étant la prochaine cible en Afrique centrale — il est probable que le groupe paramilitaire continuera à déployer les stratégies qui ont su faire leur prevue.* L’utilisation de la propagande et de la terreur comme outils de guerre psychologique a été observée dans plusieurs pays africains où le groupe a établi sa présence, notamment en RCA et au Mali.* Dans ces deux pays, le Groupe Wagner a cherché à étendre l’influence russe, au détriment des intérêts occidentaux. Soutenu politiquement et logistiquement par la Russie, le Groupe Wagner a ainsi manœuvré pour amener ces pays à rompre leurs relations diplomatiques avec les pays occidentaux.* Dans d’autres pays, comme la Libye et le Soudan, le Groupe Wagner a infiltré des groupes dirigés par les chefs de milices Khalifa Haftar et Mohamed Hamdan Dagalo, ou « Hemedti », ce qui lui permet d’utiliser leurs installations logistiques et générer des profits.* *

Bien que le Groupe Wagner avance ses pions en s’appuyant sur une stratégie expansionniste bien définie, la communauté internationale — y compris les États africains — dispose de divers outils pour contrer les actions criminelles du Groupe Wagner en RCA et sur le continent africain de manière générale.

Principales recommandations

  • Les États membres de l’ONU devraient établir une coalition similaire à la Coalition mondiale contre Daech — comprenant, crucialement, les États africains — pour contrer l’influence négative du Groupe Wagner sur le continent africain et ailleurs, en se concentrant plus particulièrement sur les flux de financement du Groupe, le mouvement des combattants étrangers et la propagande.
  • Les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Union européenne, le Canada, le Japon et d’autres juridictions devraient étendre la portée des sanctions imposées contre les réseaux du Groupe Wagner, notamment en enquêtant sur les personnes et entités nommées dans ce rapport. Ils devraient enquêter et sanctionner les réseaux d’individus et d’entités liés à l’entourage proche de M. Touadéra qui facilitent la présence du Groupe Wagner en RCA, et ils devraient coordonner ces sanctions de manière à maximiser leur impact.
  • Les États-Unis devraient désigner le Groupe Wagner comme une organisation terroriste étrangère, car les rapports publiés par The Sentry et d’autres organisations indiquent clairement que le Groupe Wagner répond aux trois critères juridiques de désignation — une organisation étrangère se livrant à des activités terroristes qui menace la sécurité nationale.
  • L’UE et ses États membres devraient ajouter le Groupe Wagner à la liste de l’UE en matière de terrorisme afin de permettre une plus grande application de la loi et une coopération judiciaire entre les États membres de l’UE et au-delà.
  • Le Royaume-Uni devrait également envisager de prendre des mesures pour désigner le Groupe Wagner en tant que groupe terroriste en vertu de la Loi de 2000 sur le terrorisme (Terrorism Act 2000).

 

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