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Résumé exécutif et principales recommandations

La société minière canadienne Ivanhoe Mines Ltd. dont la valeur est de plusieurs milliards de dollars américains et son fondateur d’origine américaine Robert Friedland se disent à l’aube de la gloire industrielle en République démocratique du Congo (RDC).* * * * * Il y a vingt-cinq ans, la société de M. Friedland avait bravé les incertitudes de la guerre civile et la chute imminente d’une dictature pour placer un pari important sur l’exploration minière dans la ceinture cuprifère centrafricaine. Aujourd’hui, après des années de courage et de ténacité, il se vante d’un atout rare et précieux : la plus grande découverte de cuivre jamais réalisée en Afrique, un projet en passe de devenir le troisième producteur de cuivre au monde d’ici 2024 et le deuxième par la suite, avec les teneurs les plus élevées de minerai dans le monde.* * Le temps écoulé a également porté ses fruits tandis que la société Ivanhoe commercialise son produit dans un monde en mutation : en effet, la transition de l’ère des combustibles fossiles et l’énorme demande d’infrastructures d’énergie renouvelable que cela implique vont vraisemblablement faire monter en flèche la demande de cuivre.*

Cependant en cours de route des signes inquiétants de corruption ont fait leur apparition. Les informations examinées par The Sentry montrent que, ces dernières années, un haut dirigeant d’Ivanhoe s’est arrangé pour céder des parts potentiellement lucratives de filiales locales à une personne une personne politiquement connectée, au moment où le gouvernement congolais prenait des mesures apparemment illégales pour préserver le cœur de ce que la société Ivanhoe appelle désormais l’un de ses « actifs clés ». Cela a permis à la société, qui est cotée en bourse, de conserver des permis de recherches qu’elle aurait dû, en vertu de la loi, rendre il y a des années. Il semblerait qu’elle n’ait reconnu leur valeur que peu de temps avant leur expiration.

En effet, l’entreprise semblerait avoir acquis le pouvoir d’ignorer certaines lois et réglementations nationales destinées à maximiser la valeur que le peuple congolais reçoit pour la vente des richesses minérales de son pays, contribuant ainsi à entériner l’accaparement des ressources naturelles de la RDC par les élites et à entraver l’état de droit dans l’un des pays les plus pauvres du monde. Ivanhoe Mines a depuis largement promu ces actifs sur les marchés boursiers internationaux et aurait entretenu au moins un partenariat majeur les concernant, amenant à se demander si l’entreprise cherchait à lever des capitaux dans le monde des nantis et de la haute finance en bafouant la loi congolaise.

Par le passé, Ivanhoe a défendu ses relations avec Théophas Mahuku, un architecte du réseau commercial de Zoé Kabila, frère de l’ancien président Joseph Kabila. Les événements clés décrits dans ce rapport se sont déroulés deux mois avant la fin des 18 ans de règne de ce dernier. Ce rapport s’ajoute à l’histoire de coopération étroite d’Ivanhoe avec M. Mahuku, qui a publiquement vanté sa capacité à résoudre les problèmes de ses partenaires commerciaux en tirant parti de ses relations avec le gouvernement.* Il y a des raisons de croire que l’habitude d’Ivanhoe consistant à s’associer à des personnes connectées avec des personnalités gouvernementales puissantes s’est poursuivie dans l’ère post-Kabila. Des rapports de presse récents montrent un proche collaborateur du président Félix Tshisekedi se vantant devant une caméra cachée de ses affaires personnelles avec Ivanhoe et proposant d’aider d’autres personnes anonymes à canaliser des contributions politiques via des contractants, entre autres. Aucun employé d’Ivanhoe n’est apparu dans les enregistrements, et lorsque la société a été contactée pour commentaire, elle a déclaré aux journalistes qu’elle opérait en RDC conformément à des politiques anticorruption strictes. Le conseiller, Vidiye Tshimanga, a nié tout acte répréhensible.* *

Tout cela souligne la nécessité pour Ivanhoe de fournir une explication convaincante de la raison pour laquelle M. Mahuku fait son apparition à chaque fois que la société fait face à de sérieux problèmes règlementaires et comment la société a pu légalement revendiquer bon nombre des droits miniers qu’elle détient actuellement. Les archives disponibles soulèvent de sérieuses inquiétudes quant à la corruption, mais n’indiquent pas de manière concluante que des pots-de-vin ont eu lieu. Au minimum, cependant, les circonstances décrites dans ce rapport montrent que l’État a apparemment permis à un acteur extérieur majeur et à un partenaire commercial local politiquement connecté de se soustraire à la loi quand cela les arrangeait.

Les conclusions de ce rapport viennent aggraver encore davantage un historique de conduite douteuse présumée remontant aux années 1990, et elles s’ajoutent aux autres problèmes d’Ivanhoe : bien qu’aucune accusation n’ait été formulée, les autorités canadiennes ont ouvert une enquête anticorruption sur Ivanhoe Mines, effectuant une perquisition l’année dernière dans les bureaux de la société à Vancouver, en Colombie-Britannique, sur motif de pots-de-vin étrangers, selon les révélations d’Ivanhoe à ses investisseurs.* Des documents judiciaires indiquent que la police examine la possibilité de pots-de-vin dans la relation d’Ivanhoe avec l’autorité nationale congolaise de l’électricité, la Société Nationale d’Électricité (SNEL) et la société suisse d’ingénierie hydroélectrique Stucky SA, désormais connue sous le nom de Gruner Stucky, une unité de la société de services d’ingénierie Gruner qui modernise les centrales électriques de l’époque coloniale pour le compte d’Ivanhoe.* Ni Gruner ni la SNEL n’ont répondu aux questions posées par The Sentry. Les allégations des autorités canadiennes ne sont pas directement liées aux questions abordées dans ce rapport, mais soulèvent des questions sur d’éventuelles nouvelles lignes de conduite, illustrant davantage la nécessité d’étendre les enquêtes officielles sur la conduite d’Ivanhoe.

En réponse à la demande de commentaires par The Sentry sur les conclusions de ce rapport, Ivanhoe Mines a déclaré que ses opérations étaient soumises à des politiques anticorruption et à des contrôles internes stricts, et que toute inférence de corruption ou de malversation était « tout simplement incorrecte ». La société a refusé de fournir des réponses détaillées à la plupart des questions posées par The Sentry, mais a déclaré qu’elles concernaient des processus et des procédures communs aux entreprises opérant au-delà des frontières internationales sur de longues périodes, ajoutant : « il existe des explications légales, commercialement raisonnables et conventionnelles pour ces questions ».*

Principales recommandations

  • Ivanhoe Mines Ltd. devrait commander une enquête interne indépendante et approfondie sur les questions soulevées dans ce rapport, prendre toutes les mesures nécessaires pour se mettre en conformité avec la loi, le cas échéant, et soumettre les résultats aux autorités compétentes ; la société devrait imposer des sanctions appropriées à tout membre de la direction ou du personnel qui enfreindrait des obligations légales ou éthiques.
  • Le gouvernement congolais devrait enquêter sur les conclusions présentées dans ce rapport et, le cas échéant, engager des poursuites si les lois ou règlements pénaux congolais ont été violés.
  • Les gouvernements canadien et américain devraient examiner les conclusions présentées dans ce rapport et ouvrir des enquêtes sur toute violation potentielle des lois sur les valeurs mobilières et des lois pénales.
  • Les institutions financières devraient examiner les transactions et les paiements exécutés au nom d’Ivanhoe et des autres sociétés mentionnées dans ce rapport afin d’identifier tout comportement susceptible de constituer la base d’une déclaration de transaction suspecte à la cellule de renseignement financier (CRF) locale.

 

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