Press Release / / 08.19.20

Nouveau Rapport d’Enquête: La Corée du Nord Enfreint des Sanctions Internationales via une Banque en RDC

Nouveau Rapport d’Enquête:

La Corée du Nord Enfreint des Sanctions Internationales via une Banque en RDC

George Clooney, co-fondateur, The Sentry, lance un avertissement : « Ne pensez pas une seule seconde que la corruption et le blanchiment d’argent dans un endroit comme la République démocratique du Congo n’impactent pas la sécurité internationale ».

Le 19 août 2020 (Washington, DC) – Échappant aux sanctions internationales visant à interrompre son programme d’armement nucléaire, la Corée du Nord a exploité des vulnérabilités présentes dans certaines parties du secteur bancaire de la République démocratique du Congo (RDC) afin d’accéder au système financier mondial, révèle The Sentry dans son dernier rapport d’enquête.

Dans son rapport « Affaires risquées » publié aujourd’hui, The Sentry expose une cascade de manquements au devoir de vigilance, aggravés par une corruption enracinée impliquant des alliés de l’ancien président Joseph Kabila, qui ont cliarement enfreint aux sanctions des Nations Unies, de l’Union européenne et des États-Unis. Le rapport dévoile la façon dont deux ressortissants nord-coréens, par le biais de leur entreprise Congo Aconde, ont ouvert un compte bancaire libellé en dollars américains auprès d’une filiale congolaise d’Afriland First Bank, accédant ainsi au système financier international.

George Clooney, co-fondateur, The Sentry, déclare: « Ne pensez pas une seule seconde que la corruption et le blanchiment d’argent dans un endroit comme la République démocratique du Congo n’impactent pas la sécurité internationale. Quand des banques échouent à appliquer des exigences de base en matière de conformité—et quand des gouvernements ferment les yeux—le crime organisé et le financement du terrorisme seront toujours florissants ».  

John Dell’Osso, Enquêteur principal chez The Sentry, déclare: « Les activités que nous avons exposées dans cette enquête suggèrent que la RDC sert de refuge pour des personnes contournant des sanctions. Sans le moindre effort pour dissimuler leur nationalité d’origine, deux ressortissants nord-coréens ont réussi à créer une entreprise en RDC, ont été engagés par des responsables du gouvernement pour réaliser des projets de construction financés par des fonds publics et ont accédé au système financier international. Les manquements au devoir de vigilance et la corruption qui ont permis cette brèche enfreignent clairement les sanctions des Nations Unies, de l’Union européenne et de la Corée du Nord, mettant en danger l’économie entière du Congo ».

Les programmes de sanctions contre la Corée du Nord tentent principalement d’interrompre son accès au système financier international, en raison du danger que les revenus générés à l’étranger puissent à terme servir à financer le programme d’armement nucléaire du pays.

John Prendergast, Co-fondateur, The Sentry, déclare: « La Corée du Nord est partie à la chasse partout dans le monde, cherchant dans chaque coin et recoin un point d’accès au système financier mondial. Elle a trouvé une ouverture en RDC, au cœur d’une parfaite tempête de vulnérabilités des secteurs public et privé. En dépit d’élections historiques qui ont mis fin à la présidence kleptocratique de Joseph Kabila, une corruption profondément enracinée, particulièrement liée aux réseaux influents de Kabila, continue de plonger dans la misère le peuple congolais et de menacer la sécurité régionale et globale ».

Hilary Mossberg, Directrice de la politique de financements illicites chez The Sentry, déclare: « Cette activité ne devrait pas servir de catalyseur aux institutions financières pour réduire davantage les risques en RDC. À la place, les banques internationales devraient aider à favoriser une culture de vigilance parmi les partenaires dans le pays. Les gouvernements et le secteur privé devraient encourager l’administration Tshisekedi à se concentrer de façon urgente sur des mesures plus fortes, afin de protéger le système bancaire contre les abus et aider à éliminer les menaces qui pèsent contre les banques congolaises et le système financier international ».

Dans son rapport, The Sentry détaille la façon dont Afriland First Bank a eu l’occasion d’empêcher cette activité illégale mais a échoué à le faire. Des responsables du gouvernement et des politiciens congolais semblent avoir été au courant de ces activités mais ne sont pas intervenus, selon les conclusions de l’enquête.

En dépit de strictes interdictions internationales, les ressortissants nord-coréens identifiés dans le rapport, Pak Hwa Song et Hwang Kil Su, ont ouvert un compte bancaire pour leur entreprise, Congo Aconde, et ont entrepris des projets de construction dans le pays, dont des statues. Des documents consultés par The Sentry ont identifié la succursale parisienne de BMCE Bank International, dont le siège se trouve à Londres, comme le partenaire bancaire désigné pour traiter des transactions en dollars et en euros pour le compte de Congo Aconde à Afriland First Bank.

Dans son rapport, The Sentry souligne l’urgence de s’attaquer à la corruption systémique en RDC et particulièrement de tenir pour responsables les réseaux de corruption influents. Comme le détaille le rapport, des membres de la coalition politique Front commun pour le Congo (FCC) de l’ancien président Kabila ont facilité des contrats avec les Nord-Coréens, et Kabila a ordonné à son successeur désigné Emmanuel Ramazani Shadary de visiter l’un des projets nord-coréens.

Le rapport avertit que l’activité illicite identifiée par l’enquête et la longue histoire de corruption gouvernementale du pays posent d’énormes risques pour les banques internationales opérant en RDC. Les banques correspondantes, qui fournissent des services financiers essentiels aux banques locales congolaises ainsi qu’un accès aux marchés internationaux, pourraient cesser d’opérer dans un pays où les risques sont trop élevés. Sans changement systémique dans le système bancaire congolais et sans d’autres mesures visant à instaurer la confiance, les institutions, entreprises privées et foyers pourraient perdre l’accès à certains services bancaires essentiels, ce qui endommagerait la stabilité économique du pays.

Morceaux choisis du rapport :

  • Ce rapport souligne les lacunes dans le devoir de vigilance des institutions privées et publiques de RDC, qui ont permis des activités interdites par les programmes de sanctions internationales et qui pourraient exposer le pays à d’autres comportements menaçant la paix et la sécurité internationales. Les hommes d’affaires nord-coréens qui ont établi Congo Aconde se sont ouvertement livrés à certaines activités interdites sans résistance apparente.
  • Congo Aconde a obtenu un compte libellé en dollars américains auprès de la filiale congolaise d’Afriland First Bank, une institution dont le siège se trouve au Cameroun. Le compte a permis à l’entreprise de déplacer des fonds à l’international en passant par la BMCE Bank International, identifiée dans des documents consultés par The Sentry comme le partenaire bancaire désigné pour traiter des transactions en dollars et en euros pour le compte de Congo Aconde en RDC.
  • L’activité de Congo Aconde n’est que le dernier exemple d’opérations impliquant la RDC et la Corée du Nord soupçonnées d’aller à l’encontre de sanctions. En 2013, des Casques bleus ont récupéré auprès de groupes armés en RDC six types de munitions différentes fabriquées en Corée du Nord. Des enquêteurs de l’ONU ont signalé trois ans plus tard que la RDC avait reçu des armes légères en provenance de la Corée du Nord qui avaient été remises à terme à la Garde républicaine et à la police spéciale congolaise, et que des instructeurs nord-coréens avaient formé ces mêmes forces sur une base militaire proche de Kinshasa.
  • À l’ambassade de RDC au Cameroun, le gouvernement congolais pourrait avoir enfreint des restrictions de voyage des Nations Unies en accordant l’entrée aux propriétaires d’entreprise MM. Pak et Hwang, qui se sont à terme livrés à des activités interdites.
  • Des faiblesses au sein de l’unité de renseignements financiers de RDC exposent également le pays à des personnes contournant des sanctions, au vu de son échec à respecter les recommandations et les bonnes pratiques internationales pour réduire de tels risques. La Cellule nationale des renseignements financiers (CENAREF) aurait dû examiner attentivement, interrompre et signaler toute transaction financière en rapport avec l’entreprise en raison des implications pour la sécurité et les sanctions internationales.
  • Des responsables de haut rang ont commissionné l’entreprise pour des projets de travaux publics—ce qui semble également enfreindre les sanctions internationales—soulignant une mauvaise gestion de ressources limitées.
  • La province de Haut-Lomami, où Congo Aconde semble s’être livré à des activités interdites, est isolée économiquement et géographiquement, en partie de par son infrastructure médiocre des transports. En outre, la population y souffre de malnutrition à un niveau plus élevé que la moyenne, ainsi que de plusieurs maladies transmissibles, tels que la rougeole et le choléra. Les deux statues de petite taille construites par Congo Aconde représentent une inattention notable de la part des élus chargés d’améliorer la qualité de vie des habitants de Haut-Lomami. Des fonds qui auraient pu consolider l’infrastructure ou la santé publique ont été alloués à des travaux publics qui pourraient dissuader des donateurs, des investisseurs et d’autres parties cherchant à apporter leur soutien à la province.

Recommandations du rapport :

  • Les États-Unis : Mettre en garde contre les risques de sanctions. Le Réseau de suppression des crimes financiers (Financial Crimes Enforcement Network, ou FinCEN) du Département du Trésor américain devrait modifier son avertissement concernant tout financement illicite potentiel provenant de la Corée du Nord afin d’y ajouter les risques de faire des affaires avec certaines parties du secteur bancaire congolais.
  • La communauté internationale : Renforcer la lutte contre le blanchiment d’argent et contre le financement du terrorisme. Le Département du Trésor américain et le Fonds monétaire international devraient inciter la banque centrale congolaise à remédier aux lacunes dans les lois concernant la lutte contre le blanchiment d’argent, et assister les banques actives dans le pays à mettre en oeuvre des normes contre le blanchiment d’argent et contre le financement du terrorisme. Le Bureau d’assistance technique (Office of Technical Assistance) du Trésor américain et le FMI peuvent collaborer avec le ministère de la Finance congolais pour combler les lacunes dans les lois et la mise en oeuvre des politiques. Les partenaires internationaux devraient faire pression sur leurs interlocuteurs au sein du gouvernement congolais pour qu’ils financent la cellule des renseignements financiers et pour qu’ils envisagent de lui apporter le soutien technique nécessaire.
  • Les banques internationales et la communauté financière : Appliquer le devoir de vigilance. Les banques internationales devraient exercer un devoir de vigilance renforcé envers les transactions de certaines banques ayant des opérations en RDC. Afriland First Bank, BMCE Bank International, et toute autre banque correspondante qui aurait pu traiter des transactions pour Congo Aconde devraient se conformer aux sanctions onusiennes et américaines, ainsi que geler tous les comptes contrôlés par Congo Aconde et ses propriétaires nord-coréens.
  • Le gouvernement congolais : Habiliter l’unité congolaise des renseignements financiers. Le gouvernement congolais doit habiliter sa Cellule nationale des renseignements financiers (CENAREF) afin de mener des enquêtes indépendantes et rigoureuses portant sur des opérations financières douteuses. Le gouvernement congolais devrait également adhérer au Groupe Egmont, un forum international des cellules de renseignements financiers qui vise à promouvoir le partage d’informations.

Lire le rapport complet, “Affaires risquées: Des entrepreneurs nord-coréens enfreignent des sanctions internationales en République démocratique du Congo” https://eno.ug/347rsVf

Pour toute demande de renseignement ou d’entretien, les médias sont priés de contacter : Greg Hittelman, Directeur de la communication, +1 310 717 0606, [email protected]

À PROPOS DE THE SENTRY

The Sentry est une équipe d’investigation qui traque l’argent sale connecté à des criminels de guerre africains et des profiteurs de guerre transnationaux, et cherche à exclure du système financier international les personnes tirant profit de la violence. En perturbant les calculs coûts-avantages de ceux qui détournent les gouvernements pour s’auto-enrichir en Afrique orientale et centrale, la zone de guerre la plus meurtrière dans le monde depuis la Seconde Guerre mondiale, nous cherchons à contrer les principaux moteurs de conflit et à créer un nouveau levier pour la paix, les droits de l’homme et la bonne gouvernance. The Sentry est composé d’enquêteurs financiers, d’avocats internationaux spécialisés dans les droits de l’homme, d’experts régionaux ainsi que d’anciens représentants des forces de l’ordre, des agents du renseignement, des responsables politiques, des journalistes d’investigation et des professionnels du milieu bancaire. Fondé conjointement par George Clooney et John Prendergast, The Sentry est une initiative phare et un partenaire stratégique de la Clooney Foundation for Justice.

Plus d’informations sur www.TheSentry.org.